Pr. Olivier Guérin : “Le lien social est presque plus important que le médecin”
“Le lien social est presque plus important que le médecin”
par Ariane Alix
Le 11 octobre 2021
Le Pr. Olivier Guérin est Professeur des Universités – Praticien Hospitalier en gériatrie, MD, PhD, chef du pôle Réhabilitation Autonomie Vieillissement du CHU de Nice
Comment et pourquoi avez-vous choisi la gériatrie ?
Lorsque j’ai fait ce choix de surspécialisation, j’étais déjà gastro-entérologue. A l’époque, la gériatrie n’était pas une spécialité que l’on choisissait après les ECN, comme aujourd’hui. C’était une spécialité additionnelle que l’on faisait après quelques années d’exercice. Si j’ai fait ce choix, après la gastro-entérologie, c’est parce que la gériatrie requiert une vraie vision intégrative et médico-psycho-sociale. Les patients ne cherchent pas à être guéris, mais à continuer à faire ce qu’ils font.
Cette spécialité a un peu de mal à se rendre attractive auprès des étudiants. Ils se projettent davantage dans un modèle dans lequel les “disciplines d’organes” sont mieux considérées.
Ce qui est, d’ailleurs, totalement incohérent avec les vrais besoins d’aujourd’hui et de demain. Nous avons de plus en plus besoin de spécialistes transversaux. La pédiatrie, comme la gériatrie, sont des spécialités de médecine interne dédiée à une classe d’âge.
L’image de la gériatrie bouge, mais beaucoup trop doucement. Nous avons tout de même quelques signaux encourageants : les liens sont bien installés avec la chirurgie et l’oncologie par exemple. Les chirurgiens font appel à nous pour préparer le patient et gérer les suites opératoires. Nous jouons un vrai rôle dans la préhabilitation. En oncologie, la collaboration avec un gériatre a montré un réel gain pour le patient.
Comment la vieillesse est-elle considérée en France ?
Du côté de la santé, en France, la majorité des hospitalisations concernent des gens âgés polypathologiques. Nous n’avons pas assez de structures adaptées pour eux. Ils sont répartis dans les divers services et de fait, mal pris en charge. S’il y a un problème au poumon, ils seront dans le service de pneumo et on va y traiter l’organe lui-même en oubliant tout le reste. Résultat, il arrive bien trop souvent qu’une hospitalisation génère une perte importante d’autonomie, qu’elle soit psychologique, cognitive, physique…
Sur la perception de la vieillesse en France, j’ai le sentiment que l'âgisme gagne malheureusement du terrain. On a pu entendre, pendant le Covid, des discours très durs. “On est privés de libertés au bénéfice de personnes âgées qui allaient de toute façon mourir”. C’est très grave.
De même, lorsque l’on regarde les campagnes présidentielles qui s’amorcent, nous n’avons aucune allusion au bien vieillir alors que c’est un enjeu colossal, en termes de qualité de vie, de solidarité et de coût pour la société.
Que pensez-vous du nouveau métier de care manager ou conseiller grand âge ?
C’est une très bonne chose et un métier vraiment crucial pour demain. Il est impératif de le penser en lien avec la territorialité. Je ne parle pas de découpage administratif (département ou région), mais en termes de bassin de vie.
Ce nouveau métier de conseiller grand âge va vraiment permettre de changer la donne sur le plan du bien vieillir. L’enjeu est d’arriver à coordonner les aspects sanitaires, sociaux, psychiques et surtout tout ce qui a trait au lien social. Et cela, en prévention, pendant une hospitalisation et après.
Cette coordination ne peut pas être faite par un des acteurs présents aujourd’hui, il faut des compétences nouvelles et une vision 360°. Pour moi, un conseiller grand âge qui accompagne la personne en écoutant ce dont elle a envie et besoin est au moins aussi important que le médecin.
Qui est le Professeur Olivier Guérin ?
Professeur des Universités – Praticien Hospitalier en gériatrie, MD, PhD, chef du pôle Réhabilitation
Autonomie Vieillissement du CHU de Nice, je développe avec mes équipes la thématique numérique
pour la Santé et l’Autonomie avec la création de plateformes d’évaluation et d’expérimentation
dédiées à ces aspects, et regroupées au sein du centre d’Innovation et d’Usages en Santé. Je mène
une action nationale dans ce contexte numérique et silver eco au sein de France Silver Eco (FSE) dont
je suis 1er vice-président. Je suis également le Président de la Société Française de Gériatrie et
Gérontologie.
Par ailleurs, je suis impliqué en recherche en biologie moléculaire aux côtés du Pr Eric Gilson au sein
de l’Institut de recherche cancer et vieillissement de Nice (IRCAN, centre de recherche
université/INSERM/CNRS).
D’autre part, j’ai été adjoint au Maire de Nice, Délégué à la Santé, à la prévention et à
l'accompagnement de la perte d'autonomie, et conseiller métropolitain, en charge depuis avril 2014
à Juin 2020, sur des sujets liés à la santé, la prévention et l’autonomie.
Je suis également, membre du conseil scientifique du Président de la république, dans le cadre de la
crise sanitaire COVID.
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