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Proche & Aidant, mais aussi Aidant & Salarié

par Véronique Cayado

Le 23 novembre 2023

8 min de lecture

Proche & Aidant, mais aussi Aidant & Salarié

Qui aurait parié sur nous ? Qui aurait pensé - 300 000 ans en arrière - que nous, ces petits mammifères sur deux pattes, dépourvus de crocs, de griffes et de carapaces, aurions fini par peupler la quasi-totalité des terres ?
A quoi devons-nous notre longévité en tant qu’espèce ? Assurément à l’entraide entre congénères. Savez-vous qu’on associe un fémur cassé et guéri à un des premiers signes de civilisation humaine ? La preuve que quelqu’un a pris soin du blessé - le mettant en sécurité et lui apportant nourriture - jusqu'à ce qu'il guérisse.

Celui qui aide son proche frappé par la maladie, accidenté, ou dont les capacités se sont altérées au fil du temps, celui-ci représente ainsi l’essence même de l’humanité. Et celui-ci, c’est potentiellement vous !
 

Chacun peut, à un moment ou à un autre de sa vie, apporter régulièrement une aide à un proche qui n’est plus (ou pas) en mesure de réaliser par lui-même certaines actions indispensables à sa survie et à son bien-être. Le fait d’apporter cette aide soutenue et régulière peut parfois être difficile pour l’aidant, surtout lorsque cela s’inscrit dans la durée avec une intensification de l’aide apportée. Non seulement son organisation de vie est de plus en plus affectée, mais cela peut aussi compromettre sa santé.

Cet aidant longtemps invisibilisé a lui aussi des besoins, dont il n’a pas toujours conscience par ailleurs, des besoins de plus en plus reconnus. Mais tout cela est récent. Ce n’est qu’en 2005 que le statut d’aidant familial fait son apparition dans le code d’action sociale et des familles, ouvrant droit à un dédommagement dans le cadre de la Prestation de Compensation du Handicap (PCH). Cela étant, il faudra attendre la loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement (dite loi ASV) pour un début de reconnaissance du rôle de “proche aidant d’une personne âgée”.

 

Stratégie “Agir pour les aidants” 2023-2027
Le 6 octobre dernier, Aurore Bergé, ministre des Solidarités et des Familles et Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées, dévoilaient la stratégie gouvernementale de mobilisation et de soutien pour les aidants 2023-2027. Parmi les engagements majeurs, un plan de développement du répit avec des ouvertures de places programmées. Malgré ces évolutions, le collectif Je t’aide déplore encore des moyens insuffisants au regard de la réalité des besoins actuels et à venir avec le vieillissement accéléré de la population française.

 

Qui dit reconnaissance, dit normalement droits associés. Mais cela prend du temps pour que ces droits soient effectifs, et plus encore pour qu’ils soient cohérents avec les besoins réels de répit et de relais des personnes aidantes. Des personnes aux profils très différents.

 

Proches aidants, qui sont-ils… elles ?

Les situations des proches aidants sont très diverses. Dans une étude récente, la Direction de la recherche des études de l’évaluation et des statistiques (DREES) établit à 9,3 millions le nombre de proches aidant [1]. Parmi eux, il y a des mineurs (0,5 million, soit 1 mineur sur 20). Quant aux majeurs (8,8 millions, soit 1 adulte sur 6), certains apportent une aide régulière à un enfant atteint par une maladie ou présentant une déficience fonctionnelle, d’autres aident leur partenaire, conjoint, conjointe, et d’autres encore leurs parents. La nature de l’aide, son étendue aux différentes activités quotidiennes et son intensité varient bien évidemment.

S’intéressant à la charge ressenti des proches aidants, la DREES estime à environ 24% la part des proches aidants les plus impactés dans leur vie, 29% l’étant “moyennement” et 47% “faiblement” [2].

 

La génération pivot

C’est parmi les 55-64 ans que l’on trouve le plus d’aidants, la fameuse génération pivot qui va venir en soutien à la fois de ses descendants et de ses ascendants. Une personne sur quatre de cette tranche d’âge serait concernée [1]. Leur investissement auprès de leurs proches prend place parmi d’autres préoccupations. Certains connaissent une fin de vie professionnelle compliquée, faite de chômage long ou de sentiment de ne plus avoir sa place dans leur organisation de travail. D’autres entament leur nouvelle vie de retraités avec tous les chamboulements que cela peut impliquer, le temps de réorganiser sa vie. D’autres, encore, exercent une activité professionnelle avec un temps forcément compté et régulé par des horaires de travail.


Les salariés aidants

Si travailler ou aider un proche prend souvent la forme d’un dilemme tant les deux investissements peuvent être inconjugables, il y a aussi beaucoup de proches aidants qui travaillent (61%). Leurs difficultés à concilier leurs vies personnelle et professionnelle sont patentes, avec pour conséquences des risques accrus de problèmes de santé en lien avec le stress et le surmenage. Près d’un salarié aidant sur trois se dit désemparé du fait d’une forte charge d’aide et d’un faible soutien de son entreprise [3].

Pour les organisations de travail aussi, ce n’est pas sans conséquence : d’abord en termes d’absentéisme, mais aussi de présentéisme, avec des salariés dont la charge mentale et l’épuisement nuisent à leur productivité.Cela étant, très peu ont engagé des programmes de soutien à leur égard : à peine 1 entreprise sur 10 aurait pris des dispositions en faveur des salariés aidants et leur aurait fait savoir [4].


Les proches aidants de personnes âgées

En 2021, près de 2 millions de personnes âgées déclarent être limitées dans les activités de la vie quotidienne (11 %) et 1,3 million sont bénéficiaires de l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA, 7,5 %) et donc considérées comme des personnes âgées dépendantes [5].

 

Qui pour les aider ?

On évalue à 3,9 millions le nombre de personnes apportant une aide dans les actes de la vie quotidienne à des proches âgés de “60 ans et plus” vivant à domicile [6] et à 720 000, le nombre de proches aidants de personnes âgées vivant en établissement [7]. La moitié d’entre eux seraient retraités, ce qui donne un aperçu criant des problématiques que peuvent rencontrer tous ceux encore dans l’emploi : les obligations et engagements par vents contraires que ces derniers doivent assumer.

Parmi les proches aidants de personnes âgées vivant à domicile, 30% seraient particulièrement impliqués, dont 8% apportant un soutien intense à des proches âgés très dépendants (77% de ces derniers y consacreraient au moins 35 heures par semaine).

Bien que l’entourage constitue le principal fournisseur d’aide, il y a aussi les aidants professionnels qui accompagnent au quotidien les personnes âgées et leur famille [8].

 

Qu'en pensent les aînés ?

L’association Old’Up a rendu compte dans son dernier rapport de quels types d’aides les plus âgés attendaient de leurs proches [9].

  • Sans surprise, le rôle privilégié est celui de l’attention affective (45%), ne pas être seul, sentir qu’on est entouré par ses proches.
  • 43% des personnes âgées considèrent, par ailleurs, que le ménage, les courses et les repas sont également des tâches volontiers dévolues aux proches (c’est surtout vrai pour les hommes âgés).
  • Elles sont également 40% à privilégier leurs proches pour les accompagner à leurs rendez-vous médicaux.
  • Le contrôle de la qualité du travail des professionnels intervenant à domicile fait aussi partie des attentes à l’égard des proches (40%).

En revanche, les personnes âgées expriment un refus quasi absolu (90%) d’être aidées par leurs proches pour leur toilette. Non seulement ce type d’aide exige des gestes professionnels, mais surtout, c’est l’exposition à la nudité et à l’intimité qui est difficile à supporter, autant pour la personne âgée que pour l’aidant proche.

“Tout au long de la vie, la frontière entre intimité des parents et intimité des enfants est à préserver et à respecter” (p.44) [9].

Si la famille et les proches restent le pilier de la sécurité affective, l’aide des professionnels est aussi nécessaire, non seulement pour parer à l’épuisement des proches aidants, mais aussi pour préserver la nature de leur relation sans violation de l’intimité des uns et des autres.

Le respect de ces intimités est extrêmement précieux pour le bien-être de chacun et peut-être plus encore pour ces nouvelles générations de vieux qui arrivent et qui se sont construits autour de repères comme l’indépendance et le libre-choix.

Dans l’enquête de l’Institut Oui Care de 2019 sur les générations du baby-boom (1945-1965), il ressort clairement chez ces dernières le désir de ne pas dépendre de leurs enfants pour leurs vieux jours. 81% des baby-boomers estiment d’ailleurs qu’il est préférable que les parents dépendants soient aidés à domicile par des professionnels. C’est pour eux une hantise que de devenir une charge pour leur entourage. Ainsi, s’ils devaient se faire aider au quotidien, ils privilégieraient largement le soutien de professionnels extérieurs notamment pour réaliser des tâches ménagères et des actes touchant à l’intimité (toilette, lever/coucher, habillement…).

 

On en parle ? Dès que Madame Vallot a su que sa mère ne pourrait plus vivre comme avant, qu’elle allait avoir besoin d’aide, de son aide, elle s’est assise étourdie par le poids de cette prise de conscience. Car bien souvent, à ce moment précis, on se sent désemparé, ne sachant pas par où commencer, vers qui se tourner. Diverses solutions existent pourtant, qui peuvent être différentes selon les territoires et les localités. Pour vous aider à vous orienter, le gouvernement prévoit la mise en place d’un interlocuteur unique pour tous les aidants dans chaque département. Et pour mieux vous aider à identifier et à coordonner au quotidien les différentes solutions mises en place pour répondre aux besoins et attentes de votre proche, vous pouvez compter sur des professionnels du care management.

 

Sources :

[1] Personnes déclarant apporter une aide régulière - qu’elle soit morale, aux activités de la vie quotidienne ou financière - à un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie, que cette personne vive dans le même logement ou ailleurs.

[2] DREES (2023). 9,3 millions de personnes déclarent apporter une aide régulière à un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie en 2021.

[3] Etude de l’Observatoire OCIRP Salariés aidants® réalisée avec Viavoice, en partenariat avec l’ANDRH et l’ORSE : « Salariés aidants, RH, RSE et dialogue social ».

[4] Chiffres clés du baromètre 2023 de l’Observatoire solidaire de la Mutuelle Générale.

[5] IPP. Perte d’autonomie des personnes âgées : quels besoins et quels coûts pour accompagner le virage domiciliaire ?

[6] Donnée issue de l’enquête CARE-Ménages de 2015 (DREES, Etudes & Résultats n°1103), faisant encore référence aujourd’hui.

[7] Infographie DREES

[8] 19% des personnes âgées bénéficiant d’un soutien à domicile déclarent être aidées exclusivement par un professionnel ; alors qu’elles sont 34% à déclarer une aide mixte et 48% une aide exclusive de leur entourage personnel.

[9] Old’Up (2023). Quel cadre de vie pour nos vieux jours ?.

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