Retour Le refus d’aide : un incontournable de la relation d’aidance

Psycho

Le refus d’aide : un incontournable de la relation d’aidance

4 min de lecture

Le refus d’aide : un incontournable de la relation d’aidance

Qui se découvre aidant de son parent ou qui se destine aux métiers du social et du médico-social fait rapidement l'expérience de la résistance de celle ou celui qu'il tente d’aider. Simple réticence ou refus des plus marqués, la résistance de la personne qui a besoin d’aide est chose commune. Cela fait même partie intégrante de la relation d'aidance. Aussi indésirable soit-il pour la personne aidante, le refus d’aide est moins un événement malencontreux à corriger qu’un message à accueillir.

Vu son importance dans le travail d’accompagnement, on peut s’étonner du faible espace qu’on lui accorde dans les formations des professionnels sociaux et médico-sociaux. Finalement, on les prépare peu à faire face au refus ou alors en l’abordant comme un comportement perturbateur, voire même en le pathologisant à travers l’étiquette de troubles du comportement.

Bien évidemment, le refus d’aide ou de soin vient gêner le travail de l’aidant ou du soignant. Il est aussi exigeant : sa gestion prend du temps, exige un temps d’arrêt, de réflexion et d’attention à l’autre que les conditions d’exercice ne permettent pas toujours. Bien souvent d’ailleurs, ce sont davantage les conditions et procédures de travail qui encadrent les interventions qui vont rendre le refus problématique, plus que le refus en lui-même.

Pour donner plus d’espace à ce sujet central, le Lab Autonomia vous propose une série d’articles et de vidéos. Dans ce premier article, nous nous intéressons aux principales causes supposées du refus d’aide chez les personnes âgées.


Déni ou Alzheimer ?

Bien souvent, quand on écoute les professionnels ou proches aidants parler du refus d’aide, ils en parlent, soit, en termes de déni de la personne âgée qui refuse d’admettre ses pertes, soit, en termes d’incapacité de cette dernière à émettre un jugement valable, autrement dit légitime, en raison d’une pathologie cérébrale. En somme, soit la personne est dans le déni de son besoin, soit elle est dans l'incapacité d’en prendre la mesure du fait d’un trouble affectant son discernement et son entendement.

Aussi justes que peuvent être ces analyses rapportées à des situations singulières, il n’en reste pas moins que le refus est ici considéré comme un non-sens, une erreur de l’émetteur, autrement dit comme quelque chose où il n’y a rien à voir et à comprendre. Or, si tout comportement est une forme de communication (Paul Watzlawick) impliquant un message porteur de sens pour l’émetteur, le refus d’aide ne peut être convenablement considéré comme une simple donnée erronée.

Que la personne soit effectivement dans un faux-semblant, voire même dans un déni total de sa situation, ou qu’elle souffre d’une pathologie neuro-dégénérative, cela ne fait pas de son refus un “non-sens”.

Dans le premier cas, elle dit quelque chose de son cheminement personnel. Comment fait-elle face à ses changements de vie ? Aux pertes subies ? À ses capacités qui évoluent ? À son statut et son rôle social qui sont mis à mal ? Elle exprime une angoisse, elle exprime un besoin qui, s’ils ne sont pas entendus, continueront à la ronger. La priorité de l’aidant n’est pas toujours celle de l’aidé. Si sa priorité à lui est de défendre une image de lui-même devant les autres, c’est que ce besoin est important dans l’ici et maintenant. En cela, la prise en compte de son besoin est préalable à la résolution des autres problématiques qui le concernent ; ou tout au moins, sa prise en compte doit façonner les différentes étapes de l'accompagnement.

Dans le second cas de figure où la capacité de discernement de la personne est altérée, la personne dit aussi quelque chose, c’est simplement que ce qu’elle exprime échappe à notre compréhension immédiate.

Tout comportement est une forme de communication. Ce n’est pas parce que le jugement des personnes est altéré, par un mécanisme de défense psychologique ou par une maladie neurodégénérative, que le comportement de refus devient vide de sens. Le refus n’est peut-être pas justifié, pertinent, voire légitime au regard d’une mise en danger de la personne, mais ce qu’il exprime ne peut être réfuté car c’est ce que ressent la personne. Et personne ne peut vous dire que ce que vous ressentez est faux. En d’autres termes, la “non-pertinence” du refus n’enlève rien à l’effort d’écoute et de compréhension que l’on doit en tant que professionnel à la personne que l’on assiste dans son quotidien.


Derrière notre compréhension du refus d’aide de la personne âgée, nos préjugés ne sont jamais loin !

Considérer d’emblé que le refus relève d’une erreur de la personne âgée est rendue possible, parce que c’est une interprétation qui est concordante avec nos stéréotypes sur les vieilles personnes. Notre perception sociale de la vieillesse fait de celle-ci le temps du déclin généralisé. Il y a donc toujours une suspicion de démence derrière les dires et comportements d’un vieux ou d’une vieille personne. Ou tout au moins, l’impression que ce qu’elle dit n’est pas suffisamment qualifié pour être entendu comme ayant une valeur de droit. Ce présupposé, inconscient ou non, facilite dans notre esprit le fait de considérer tel ou tel refus comme la manifestation de l’incapacité des anciens à pouvoir porter un regard sur leur situation. Leur jugement étant altéré, leur refus n’a pas de sens. Or, c’est là qu’il y a une distinction importante à faire. Entendre un refus, ce n’est pas acquiescer dans le sens de ce refus. Il se peut tout à fait qu’il soit concrètement impossible à un moment donné d’agir dans le sens de la volonté de la personne. Cela étant, rien n’empêche de reconnaître que pour la personne concernée ce refus a un sens, qu’il dit quelque chose d’important. Son refus est peut-être inadapté au regard des risques menaçant son intégrité physique ou au regard des ressources effectivement mobilisables, mais il est tout à fait adapté au regard de ce qu’elle ressent et ce qui compte pour elle dans l’ici et maintenant de la situation.

Refus d’accepter une aide à domicile - refus d’utiliser un déambulateur - refus de prendre une douche - refus de se rendre à un accueil de jour : dès lors que l’on fait face à un refus de ce type, et malgré les besoins qui nous paraissent évidents et urgents, rappelons-nous que l’on ne peut pas faire l’impasse sur ce que la personne exprime par ce refus. Refuser de l’entendre ou le disqualifier a priori, c’est nier la personne dans ce qui fait son altérité. Avant même de chercher à découvrir le sens caché de son refus, le plus important est donc avant tout de reconnaître qu’il y en a un.


 

Sur le même thème